Le jugement de soi… et des autres
Notre perception du corps est liée à notre confiance en soi. C’est un petit peu le principe de la poule ou de l’œuf : est-ce qu’on a confiance en soi parce qu’on est content dans son corps ou est-ce plutôt la confiance en soi qui fait qu’on se sent bien dans son corps ? J’ai toujours été assez petit, pas très costaud, mais j’ai toujours eu confiance en moi. Ce qui fait que même avant que je fasse de l’entraînement et que je sois plus actif physiquement, la confiance en soi était là, elle était déjà gagnée.
Pour ma part, mon jugement envers moi est plus sévère que le jugement que je peux porter envers les autres. Depuis toujours, je me trouve trop grosse, trop grande, trop ci, trop ça. J’ai eu deux accouchements et quand je regarde mes photos d’avant, je me dis que je n’avais rien à dire sur mon corps ! Je pense qu’il est important de me ramener à la réalité : oui, OK, j’ai pris un peu de poids, j’ai des petites vergetures, mais j’ai engendré la vie. Et les autres, au fond, s’en foutent un peu de l’apparence que j’ai, tant que moi je suis bien, que mon chum est bien et que mon enfant est bien…
J’ai aussi l’impression que le jugement dont on a tant peur, il vient plus de nous que de l’extérieur. Souvent, ce que me reflétait ma famille n’était pas du tout ce que moi, je ressentais. Et je me suis rendu compte qu’on accorde peut-être trop de valeur à l’apparence dans notre définition en tant que personne.
Comme Anne-Sophie, tu perçois vraiment que c’est ton regard qui est raide ?
Qui est plus difficile. Que ça ne reflète pas nécessairement ce que les autres pensent.
Est-ce que je me juge ? Mets-en. Mets-en que je me juge. Et je n’aime pas penser au fait que, lorsque je vois quelqu’un qui est obèse, une pensée peut me passer par la tête : « Elle est donc grosse. » Je me hais de penser ça !
Il y a comme une notion de bien ou de mal qui va comme se superposer au corps…
Je suis qui, moi, pour avoir cette pensée-là ?
Moi, ce qui m’a vraiment surprise, c’est que la période de ma vie où j’ai eu le plus de commentaires positifs sur mon corps, c’est quand j’étais malade, quand je pesais 25 lb en moins. Je faisais de la danse. Et on me disait : « Oh, mon Dieu, comment tu fais pour être mince de même ? T’es chanceuse. »
Toi, avec 25 lb de moins que là ?
Oui, j’étais malade. Quand j’y pense, je réalise que ces commentaires étaient vraiment malsains, parce que c’était la période de ma vie où j’étais le moins en santé.
Et vous, Thierry, comment vous percevez-vous ?
J’ai un historique de vie où la vie m’a frappé deux fois, on m’a remis à ma place deux fois. J’étais comme tout le monde, avant. Mais à 30 ans, on m’a annoncé que j’avais un cancer. J’ai fait six mois de chimio, je n’avais plus de cheveux, j’ai perdu 15 kg, j’étais malade comme un chien. J’ai eu un deuxième cancer à 45 ans. Chaque fois que tout va parfaitement, la vie me rattrape et me fout une paire de baffes pour me dire : la vie, la vraie vie, c’est ça. Finalement, la vie reprend son lot, mais le rapport à son corps est totalement changé. On m’a fait faire un 180 degrés, qu’on fait généralement en 60 ans, en une semaine.